Claude Louis-Combet a écrit ce texte, le 15 octobre 2011,
pour longer les photographies d’Élizabeth Prouvost
à l’occasion de leur réédition dans
L’autre Edwarda,
Jacques Clerc/La Sétérée, Crest, en 2012.

Une ombre blanche remplit la nuit
Elle clame: Je suis
Ensuite, elle murmure: Je ne suis pas
On dirait qu’elle s’adresse à la ténèbre:
Je m’appelle Edwarda

Dès lors, le silence pèse d’un poids nouveau
Habité
Comblé, gonflé, distendu
Blème nudité de femme
Je fus, je suis, Edwarda

On la reconnaît à son sexe
Avant de déchiffrer sa face
À ses mains protectrices et dispensatrices
De cette paire de lèvres noires
Dont on rêva
Edwarda
Affranchie du livre qui la fit naître
Et de l’homme
Dont le désir la façonna
L’abandonna

Libre, ici, de porter son corps
À la transe
Extase de souffle
Pulsion, pulsation, saillie, fièvre
De mort et de résurrection

Comme bête qui s’offre
En forme de femme
Appelant l’invisible
Sa vulve surgit
Dans le cri de sa bouche

Plis, replis et déplis
En la chair de désir
La terre s’ouvre une issue
Tous les rêves de trésor
Ont modelé l’ornière

Edwarda, Edwarda,
Saturée de solitude
A invoqué l’ombre de l’homme
La Nuit qui enfante les monstres
Exhibe le phalle en son abîme

Alors, voici, le livre recommence
La femme n’en sortira pas vivante
Edwarda appelle
Elle reçoit, elle saisit, elle retient
Elle vibre, elle se noie, elle se perd

Elle s’ouvre par la bouche
C’est sa gueule
Son hurlement, son râle
Et comme le Dieu qu’elle retient encore
De ne pouvoir ni vivre ni mourir

Je montre les dents
Je suis une chienne
J’offre mon sexe à la Nuit
À tous les chiens de lune
À tout ce qui déchire et qui brûle

J’offre mon cul
À tout ce qui bouge
À tout ce qui passe
Et qui délire
En bandant

Je porte visage de douleur comme de joie
Mes lèvres du haut
Ont toute la figure
De celles du bas
Que je jouisse à vie et à mort

Il y a quelque part
Des mains d’étrangleur
Et une verge de démon
Laissez-moi baver de partout
Et chanter haut ma jouissance

Je ne suis femme que de rien
La merde me ressemble
Au travers de ma beauté
J’attends encore ce qui me roulera
Dans un néant plus chaud que mon savoir

Je m’étais évadée du livre
Et maintenant
Le livre se referme sur moi
Hors de salut comme de l’être
Je suis mon sexe inassouvi

Je me serre entre mes bras
L’homme est parti, la terre déserte
Que l’on m’entende bien:
Je fus, je suis, celle qui fut,
Edwarda

Edwarda, l’ombre à quatre pattes
La ruisselante et la fendue
Celle qui hante et qui rêve
Et ne passe le silence
Que par le cri