interférences

Ah bon, c’était pas normal alors. Ah bon j’ai rien compris, la vie c’est pas ça, j’étais pas censée ressentir ça, pas à ce point-là. La violence, j’étais censée pouvoir la garder rien que pour moi c’est ça ? J’étais censée être capable de l’accumuler sans broncher ? Mais je suis faible, je suis désolée. Oui c’est sûr, j’aurais dû faire plus de sport, me concentrer sur mes études. Sur mon travail. Sur ma famille. Ou sur mon ordinateur en dernier ressort. Bien sûr. J’aurais dû aller faire du shopping si possible. Pardon encore. J’aurais dû aller boire un verre, aller au cinéma, comme tout le monde. Me remplir, me vider par procuration. Mais je suis déjà vide. Je suis déjà remplie de tellement de vide. Je ne crois à rien. Tout est insupportablement laid, incroyablement lent. Je me prends les pieds de- dans. J’en sors pas, j’avance pas. Le surplace me rend dingue, comme un travail à la chaîne, la répétition du même. L’inutilité des pas qui ne m’éloignent pas de l’enfer, du son strident des jours qui raclent le sol, aplatisseurs d’émotions, compresseurs d’ambitions. Le même inconfort permanent qui m’épuise, qui m’use jusqu’à la corde. La corde pour moi ou la balle dans la tête de l’autre, des autres, du premier venu dont j’estimerais qu’il m’agresse, qu’il ne me comprend pas assez, qu’il ne comprend rien. […]