suivre les ombres
Tu les vois les contours ? Bouger, échapper. Tu croyais pouvoir les contenir dans une réalité bien délimitée. Tu pensais que tout ce qu’on peut toucher, alors, existe, est. Mais l’œil est libre, la pupille en demande d’être extasiée. Les cils écartés. Les iris dépassés par l’ampleur des évènements. Parce que là devant, l’indescriptible et l’incompréhensible se lient d’un pacte inédit. Le cerveau essaie, bégaie quelques secondes avant de se rendre. Parce qu’il n’y a que ça à faire. Laisser tomber. Laisser la vision s’imprégner. C’est dur de ne pas résister. D’accepter son impuissance à déchiffrer ce qui est en train de se passer. Alors tes yeux suivent les ombres, cherchent à capturer. Mais ça glisse, ça rampe, ça disparaît. Ça se cache dans les fissures, ça rentre entre les murs, ça surgit de nulle part. Et la lumière du soir sublime ta peur, dramatise chaque forme et en multiplie l’ampleur.
Sous la brique un nouvel écran. Le cinéma de tes cauchemars. Des squelettes gardent l’entrée. Des insectes tombent du plafond. Deux mondes se superposent. Et le tien devient poussière quand tu tentes de t’y raccrocher. La réalité te glisse entre les doigts. L’irrationnel te tire par les pieds. Et sous toi une trappe de terreur attend de t’avaler. Tu en sortiras, tu le sais. On sort toujours du labyrinthe, et les yeux des animaux nocturnes s’éteignent une fois que le soleil is shining again. Ça revient d’un coup. Comme on tire le rideau de douche. Comme on rallume la lumière. Pour s’apercevoir qu’il n’y avait rien. Qu’il n’y a jamais rien eu.
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