qui serons-nous?

Un jour, lorsque nous étions étudiants (dans le Sud de la France), un très bon ami, revenant d’Abidjan, ville dont il était originaire et où résidait une partie de sa famille, me raconta une anecdote qui s’était déroulée durant son séjour : alors qu’il était dans le jardin de la maison, il crut voir l’un de ses grands-parents, pourtant décédé. Il s’en émut donc auprès d’un des membres de sa famille qui était présent, quand celui-ci lui répondit, d’un air détaché : « Oui, ça lui arrive de passer de temps en temps. » Il me confia ensuite son sentiment d’être parfois divisé entre deux cultures, et, aussi, de devoir se battre avec lui-même pour savoir quel état d’esprit adopter. D’une part, comme moi, il étudiait les sciences humaines et s’attachait pour cela à une forme de rationalité, d’autre part il concevait que d’autres représentations a priori moins rationnelles (des croyances) puissent parfaitement faire sens. Pourtant, il affirmait qu’il « croyait » avoir vu un parent décédé, tandis qu’un autre lui disait que ce parent passait effectivement par là de temps à autre. Ainsi les sciences humaines allaient nous obliger, mon ami et moi, à faire face à l’un des problèmes les plus fondamentaux de notre discipline : comment les êtres humains appréhendent-ils le réel et comment inscrivent-ils l’interprétation qu’ils en font dans un système de vérité ?

[…]